Philippe Dessertine à Mulhouse : «Quel modèle de société voulons-nous ? »
Édition : Mulhouse/Sud-Alsace - 10 février 2012
Invité à Mulhouse le 17 janvier dernier à un dîner-débat d’Entreprises et Médias d’Alsace, l’économiste mondialement reconnu a pointé les faiblesses françaises et indiqué des pistes pour sortir de la crise. Voici une reprise des idées marquantes de cette soirée.
Notre problème : avoir produit de la dette
Produite depuis la sortie de la guerre froide, qui nous a conduits à travailler avec des pays émergents, la dette a atténué la différence entre les taux d’intérêt et les économies disparates. Pendant ce temps, l’Allemagne qui voulait conserver son outil de production après la réunification pour y intégrer les Allemands de l’Est, a produit de la dette aussi… Mais en la justifiant par des investissements et en se fondant sur une capacité de remboursement. La réunification les a obligés à bouger. Et nous, nous avons imprimé des billets…
L’exemple allemand
Admiratif de la réussite allemande, qui n’a presque pas été entamée par la crise, Philippe Dessertine estime que nous avons 20 ans de retard sur ce modèle qui aujourd’hui produit la plupart des brevets industriels européens, exporte bien et ne vit pas la désindustrialisation que nous connaissons. Chez nos voisins, on ne partage la richesse qu’on a créée et non la richesse fictive de la dette. La TVA sociale est en place depuis longtemps; les consommateurs participent à l’allègement des charges des entreprises, etc. Et les investissements vont vers ceux qui ont des idées.
Le système français est au bout
Admiratif de la réussite allemande, qui n’a presque pas été entamée par la crise, Philippe Dessertine estime que nous avons 20 ans de retard sur ce modèle qui aujourd’hui produit la plupart des brevets industriels européens, exporte bien et ne vit pas la désindustrialisation que nous connaissons. Chez nos voisins, on ne partage la richesse qu’on a créée et non la richesse fictive de la dette. La TVA sociale est en place depuis longtemps; les consommateurs participent à l’allègement des charges des entreprises, etc. Et les investissements vont vers ceux qui ont des idées.
Le système français est au bout
La misère qui s’étale sous nos yeux est un véritable échec. Mais le principal problème de la France… ce sont les Français. Nous devons nous adapter et les citoyens doivent s’emparer de la question économique et aimer les entreprises. Nos ingénieurs ne doivent pas peupler les salles de marché, mais les entreprises ! Les valeurs du travail, de l’entrepreneuriat et l’envie de créer de vraies richesses doivent reprendre le dessus.
Que pouvons-nous préserver ?
Il y a une vraie destruction de talents dans le secteur de la santé, qu’il faut préserver. Idem pour l’éducation, la formation des jeunes et la recherche. Dans les pays qui avancent, la recherche est privilégiée. Et enfin, il faut préserver la défense ! Un pays fragilisé sur ce plan a moins de poids qu’un autre dans le concert international…
A quoi devons-nous renoncer ?
A vouloir la retraite le plus tôt possible. Prendre sa retraite à 70 ans ne doit plus être un tabou. Il faut travailler, et produire : c’est la production qui tire le pays en premier, et ensuite seulement la consommation. Il faut dire aux jeunes que le travail peut être passionnant, qu’on aime son travail. Et il faut revenir à des valeurs plus saines, accepter la rigueur.
Les leviers économiques d’avenir
La révolution doit avoir lieu dans les produits agricoles ou dans le secteur de l’énergie. Il faut revoir nos mobilités à la baisse et arrêter d’investir dans les aéroports, les ponts et l’automobile. Car la vraie révolution que nous sommes en train de rater, c’est la révolution numérique. Malgré le niveau de nos ingénieurs et mathématiciens, c’est aux Etats-Unis que les petits génies sont détectés… et aidés. La jeunesse est un formidable réservoir d’idées, à nous de les détecter et de les encourager
Béatrice fauroux
Contact : Entreprises et Médias d’Alsace – www.entreprises-medias.com
Biographie : Philippe Dessertine, agrégé en Sciences de Gestion, Docteur habilité à diriger des recherches, professeur de finance et de gestion, Directeur du Centre d’Études et de Recherches sur les Organisations et la Stratégie à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et Directeur de l’Institut de haute finance à l’IFG (Institut Français de Gestion). En 2009, il a été membre de la Commission du Grand Emprunt présidée par Alain Juppé et Michel Rocard. Il est aussi professeur à l’ENSAE au Master GDO (Gestion et Dynamique des Organisations), à l’Escp-Europe et l’École polytechnique. Derniers ouvrages parus : • Ceci n’est pas une crise (Juste la fin d’un monde) , Éd. Anne Carrière, 2009 • Le monde s’en va en guerre (ne sait quand reviendra), Éd. Anne Carrière, 2010. • La décompression (Des solutions après le krach), Ed. Anne Carrière, 2011 |