
Le Réseau APA à l’heure du confinement: réorganisation et solidarité
Édition : Mulhouse/Sud-Alsace - 30 avril 2020
Le Réseau APA vient en aide à 25 000 personnes en Alsace. Un réseau dans lequel oeuvrent au quotidien 3000 salariés ainsi que 850 bénévoles. Un premier point d’étape avait été fait début avril, au bout de quatre semaines de crise sanitaire.
Des interventions priorisées
Touché de plein fouet par cette crise sanitaire, salariés et bénévoles du Réseau APA ont continué, malgré tout, à oeuvrer au quotidien. « Malgré le confinement, nous avons des salariés qui se lèvent tous les jours pour réaliser leurs métiers, leurs missions dans nos EHPAD, nos services d’aides à domicile, porter des repas », souligne d’emblée Matthieu Domas, directeur général du Réseau APA. Et pour assurer la continuité des services auprès des bénéficiaires, le Réseau APA s’est réorganisé. « Nous avons priorisé nos interventions des actes essentiels de la vie quotidienne, comme l’aide au lever, au coucher, aux repas, pour permettre aux personnes à leur domicile de pouvoir vivre, malgré le confinement. Nous avons également fait en sorte d’obtenir du matériel de protection grâce à la mobilisation du Conseil départemental du Haut-Rhin, de la Région Grand Est et des dons d’entreprises et de particuliers. Des masques, dans un premier temps, alors que cela n’était pas encore organisé au niveau national.» Les courses, le ménage et l’entretien du cadre de vie a été remis en place petit à petit, au bout de quatre semaines. « Elles sont devenues des actions essentielles! »
Solidarité inter-services
Le Réseau APA fait également face à cette crise grâce à la solidarité inter-services. Les tournées et les plannings ont été réorganisés. « Nous avons fait le choix de maintenir 100% de la rémunération de nos salariés, y compris les personnes en chômage technique ou en garde d’enfants. Nous comptons en partie sur le soutien des dons et de la fondation Âge pour passer ce cap difficile. La situation économique s’annonce tendue, avec une baisse d’activité qui va, forcément, générer des produits en moins et des charges qui restent présentes. » Le Réseau APA s’est ainsi rapproché de la fondation Ages pour trouver des financements. Un fonds de soutien à l’aide à domicile et à toutes les activités à domicile a été créé, afin de prendre en charge une partie des surcoûts liés à la crise notamment celle du matériel de protection: charlottes, masques, surblouses.
Le maintien du lien social avec la Plateforme du Coeur
Une autre priorité du Réseau APA a été le maintien du lien social. Un lien social entretenu par la plateforme du coeur. 560 bénévoles appellent les bénéficiaires qui n’ont plus de visites hebdomadaires. « Au bout de quatre semaines, je n’ai même plus besoin de me présenter, souligne André Grewis, l’un des bénévoles de cette plateforme du coeur. Au début, ils étaient inquiets, nous parlions beaucoup de coronavirus. Aujourd’hui, nous parlons de tout, du temps, du jardinage, de la nature… Beaucoup me demandent si nous pourrons nous voir en fin de crise. » André Grewis intervient deux fois par semaine, les mercredis et jeudis. Il contacte au total une quarantaine de personnes sur ces deux journées.
Appui psychologique
Le Résau APA a également mis en place une cellule d’appui psychologique pour ses salariés et les aidants. Sept psychologues se relaient au sein des différents services. « Cela fait partie des valeurs associatives et humaines que nous défendons pour nos salariés, nos bénéficiaires et nos familles, explique Matthieu Domas. Nous faisons face à davantage de mortalité, de souffrance, d’isolement. » Joignables chaque jour de 14h à 17h30, les psychologues mobilisés appellent également les bénéficiaires et salariés du réseau. « Notre rôle est d’aider, d’accompagner et d’être présents, ne pas laisser les personnes isolées avec leurs difficultés. On pourrait penser que ce n’est pas grand chose, mais c’est énorme, glisse Jules Le Quellec, psychologue pour les plateformes de répit Rivage dédié aux aidants. Les appels spontanés sont peu nombreux mais lorsque nous appelons, nous sommes toujours extrêmement bien accueillis. Il est important de faire ce travail. Il faut aussi les libérer de la peur, les entendre, les écouter et rassurer comme on peut. Les décès sont compliqués à gérer mais aujourd’hui il y a aussi cette brutalité de l’annonce. Nos rites symboliques sont complètement bouleversés. Il y aura des conséquences après coup. On y réfléchi en amont, mais surtout, nous avançons pas à pas. Nous trouverons des outils pour faire au mieux et les adapter aux personnes, que ce soit les aidants ou les salariés. »
Témoignages
Sabrina Barléon – Auxiliaire de vie à domicile secteur de Neuf-Brisach
« Nous devons faire face à beaucoup d’inquiétudes de la part des familles et de nos bénéficiaires qui se retrouvent totalement coupées de lien familial, hormis téléphonique. Les familles respectent beaucoup le confinement et se reposent sur nous. Nous avons mis en place des appels visios. Et ce sont des moments magiques. Les personnes âgées ne réalisent pas tout de suite que ce sont leurs enfants en face d’eux. Un matin, je donnais une douche à l’une de mes bénéficiaires qui me disait que son fils lui manquait terriblement. Il habite au niveau de Strasbourg. J’ai essayé de le contacter sur WhatsApp. On n’a pas pu l’avoir à l’improviste, mais il m’a rappelé dans la matinée donc je me suis permis de m’arrêter pour organiser ce moment à la fin de ma tournée. La période est dure mais on vit des moments très forts. Nos bénéficiaires se reposent complètement sur nous. Après, la période est compliquée, concernant le matériel. Les AVS se sentent blessées par le manque d’intérêt que nous porte le gouvernement. On a du mal à avoir ce matériel de protection, on rentre chez les gens, après on remonte dans notre voiture, on passe de domicile en domicile. On n’y va pas sereinement mais je continue d’exercer mon métier, j’y vais tête baissée mais avec un maximum de protections.
Corinne Keller – Porteuse de repas Wittelsheim- Staffelfelden
« Chaque matin on livre les repas comme d’habitude, même chez des personnes malades. Ils nous attendent. Masques, gants, gel, on a tout ce qu’il faut. C’est un moment spécial. On laisse les repas dans les glacières mais on vérifie toujours que nos bénéficiaires les réceptionnent bien. Il y a une surveillance. Si on ne les voit pas à la fenêtre on prend le téléphone pour voir s’ils vont bien. Je réalise 90 repas et 43 actes de portage sur une journée. On livre pour deux jours, le mercredi et le jeudi, avant, cela se faisait tous les jours et bien sûr, on se désinfecte les mains à chaque passage chez le client. »
Carine Demangeat – SIAD soins infirmiers à domicile
« Nous faisons face à une vie particulière, avec beaucoup d’angoisses de la part des gens. Nous avons tout le matériel nécessaire que nous cherchons à chaque début de tournée: lunettes, charlottes, surchaussures, surblouses, gants… On se change à chaque patient. On a une dizaine de patients à faire par tournée. On les évaluent chaque jour, via notre smartphone, avec des annotations sur les risques épidémiques. Nous nous montrons très précises dans nos actes. J’ai des parents âgés et un papa triste par rapport au choix de mon métier. Certains matins j’ai la boule au ventre, mais surtout de n’avoir rien oublié. Pour le reste, je suis fière d’être aide soignante! »
Emilie Jafrate
Faire un don: La fondation AGES ( Alsace Grand Est Seniors ), qui a déjà débloqué dans l’urgence 10 000 € pour acquérir du matériel de protection pour les personnels, continue à recueillir des dons pour soutenir ces « héros du quotidien » ( voir le lien : https://soutenonsnosherosduquotidien.fondation-ages.org ). Les dons donnent lieu à une déduction fiscale de 66 % et à l’envoi d’un reçu fiscal.