TEDx Alsace à Mulhouse, un grand moment
Édition : Mulhouse/Sud-Alsace - 4 décembre 2011
Cet article paraît en avant-première sur le blog du Périscope ce 4 décembre, et sera publié dans le prochain numéro du journal papier à paraître le 10.
La quête du sens au cœur du business
Environ 300 personnes ont vécu hier au cinéma Kinépolis à Mulhouse le second TEDx Alsace, riche en témoignages de personnes de tous horizons qui ont su présenter leur parcours personnel et professionnel dans une perspective humaine souvent chargée d’émotion. Leçons de vie, réussites business, réflexions sur la vie tout simplement : cet étrange amalgame produit une magie à laquelle les spectateurs ont été sensibles.
La réussite de cette après-midi qui s’est déroulée de 13h30 à 20h samedi 3 décembre est due en grande partie au talent d’organisation et à la parfaite entente entre Salah Benzakour, spécialiste du web et détenteur de la licence TEDx, et de Martine Zussy de la CCi de Mulhouse, qui ont orchestré tous les événements de la semaine « Terre des Nouveaux Possibles Mulhouse ».
Le principe : les « speakers » – le concept du TEDx est américain (*) – s’expriment pendant 20 minutes avec ou sans images sur l’écran géant placé derrière d’eux, l’essentiel étant le message de fond, et non sa mise en scène. Ainsi, 15 personnalités très différentes ont témoigné au Kinépolis de Mulhouse.
Ouverture par le Maire de Mulhouse
Le Maire de Mulhouse Jean Rottner a ouvert la marche, non pas pour un propos institutionnel liminaire, mais bien dans l’esprit TEDx, plaçant d’emblée le registre sur le plan de l’émotion. Il a rendu hommage à François, son ami (et ancien patient) mort à 75 ans la semaine dernière. Son coeur s’est arrêté et a été réanimé douze fois en 15 ans, mais la treizième lui fut fatale. Il a raconté le talent, mais aussi l’impuissance et les émotions du médecin, ainsi que l’obsession de faire « le bon geste au bon moment ». Au-delà, il a souligné la fragilité de la vie, l’urgence à lâcher ses émotions, « cette émotion qu’on repousse dans la vie de tous les jours ». Son propos de conclusion : « Je vous souhaite de bien vivre » a touché de nombreux spectateurs au cœur et les a mis en condition pour entendre la suite.
Le point de rupture originel / la disruption
L’ordre dans lequel sont apparus les speakers n’est pas indifférent et le second témoin, Mostafa Kander, a posé les bases d’une création d’entreprise réussie : avant la concrétisation de toute initiative nouvelle, il y a le franchissement de trois caps : l’idée, le risque et l’argent. L’idée n’est pas forcément révolutionnaire, elle est souvent à rechercher dans son propre parcours. Le risque, c’est celui de sortir de sa « zone de confort », mais dans un environnement connu. Et pour lui « un projet crédible porté par des gens sérieux trouve toujours à se financer ». (Le propos d’un TEDx est volontairement positif et les développeurs d’entreprises qui ont des difficultés à trouver des fonds apprécieront… mais ici l’enthousiasme est primordial).
A l’origine de la création d’entreprise de Mostafa Kander – diffuser des produits cosmétiques dans les pharmacies du Maroc -, il y a une rupture dans sa carrière, le départ d’une entreprise où il n’était plus à l’aise après un rachat.
L’idée de rupture porteuse de projets nouveaux ou d’accident de la vie qui change sa vision du monde fut ensuite portée par trois speakers qui ont subi – ou provoqué – la « disruption » dans leur vie, soit une perturbation qui catalyse l’imagination. Ce vocable né du marketing dans les années 90 est étendu aux parcours de vie, dans le sens où la rupture s’accompagne d’un mode de pensée qui tourne le dos aux habitudes et conventions.
Les « résilients »
Ainsi, l’avocat Marc Lipskier à Paris, victime d’un AVC en 2005, fait aujourd’hui de cet accident qui l’a paralysé du côté gauche un acte fondateur de sa nouvelle vie. Ayant dû réapprendre les premiers pas tel un petit enfant, il accompagne aujourd’hui les premiers pas des entreprises innovantes au sein de Bambou and Bees.
Une autre histoire émouvante, celle d’Eric Brun Sanglard, victime d’une maladie des yeux qui le rend quasiment aveugle. Alors plein travaux dans sa maison de Californie, il développe de manière extraordinaire ses capacités sensorielles (toucher, son, odorat, vibrations) à tel point qu’il reconnaît un matériau, la taille d’une pièce (mesurée avec son propre corps) et même les couleurs. Il a donc pu gérer les travaux de sa maison, avant d’en restaurer deux autres, et il se présente aujourd’hui comme « blind designer », architecte d’intérieur spécialiste du bien-être.
« Où voulez vous aller plus vite ? »
La rupture peut même être provoquée, en l’occurrence ici par Philippe Studer, chef d’entreprise diplômé d’école de commerce qui est volontairement sorti de sa zone de confort pour partir un an en famille à la rencontre de peuples primitifs. En plus d’avoir réalisé un rêve de jeunesse, il est revenu avec une vision différente de son entreprise, qu’il a entièrement repensée. Riche de rencontres, il a notamment invité les spectateurs à méditer sur la phrase : « Où voulez-vous aller plus vite ? ».
C’est cette quête de sens, abordée par Jean Rottner dès le départ du TEDx, qui revient à plusieurs reprises émailler les propos des speakers, comme celui de la spécialiste des technologies et chasseuse de tendances Fadhila Brahimi, qui se demande : « Lorsque nous serons déchargés de toutes les contraintes par les technologies qui accélèrent les possibles, nous disposerons de tout l’espace temps que nous voulons. Pour quel bénéfice en réalité ? Les ruptures temporelles sont des respirations, des ponctuations dont nous avons besoin pour ralentir, et mieux accélérer, initier le dépassement de soi ». Elle note le retour aux fondamentaux et à la simplicité des nouveaux entrepreneurs, impliqués dans leur écosystème, qui mettent l’accent sur le social, l’intuition, la créativité…
Enfin, toujours dans le retour aux fondamentaux, nous concluerons avec l’intervention de Rachid Sefrioui, capital-risqueur qui met l’accent sur l’ « ancre », cet ancre spirituelle et familiale porteuse de valeurs et constitutive de l’individu. « Le marché, le produit, ce n’est pas important. L’important, c’est l’ancre, ces valeurs dont on voit l’importance quand on les perd et qu’on se trahit soi-même. L’ancre, c’est ce qui nous donne la force et l’énergie pour avancer tout au long de la vie », conclut-il.
Béatrice Fauroux
En savoir plus sur le TEDx Alsace et ses intervenants : https://www.tedxalsace.com/
(*) Créé aux Etats-Unis il y a plus de 25 ans, le TED (Technology, Entertainement & Design) est une plateforme de partage d’idées qui invite des personnalités brillantes au parcours original. Aujourd’hui le TED est présent à Londres, Rotterdam, Casablanca,… et en France à Paris, Lyon, ou encore Toulouse.