Poulaillon : de la boulangerie à la bouteille haut de gamme

Édition : Mulhouse/Sud-Alsace - 17 juin 2019

C’est une réussite à la française, celle de Paul Poulaillon tombé dans le pétrin à l’âge de 14 ans. De la petite boulangerie familiale, ouverte en 1973 avec son épouse, au groupe côté en bourse, quel chemin parcouru. L’inventeur de la Moricette a su transmettre sa passion du pain à ses enfants. A 67 ans, le self-made-man continue de se lever à l’aube et se lance toujours de nouveaux défis.

Paul Poulaillon

Dans la famille Poulaillon, je demande le père, Paul, la mère, Marie-France, le fils, Fabien, et la fille, Magalie. Plus qu’un nom, c’est aujourd’hui une marque. Une marque de fabrique, de réussite et, surtout, une saga familiale que beaucoup aimeraient copier. Le fondateur du groupe aime d’ailleurs raconter cette histoire, celle du petit enfant qui passait avec son père devant la boulangerie de son village de Condrieu en Isère en allant à l’école. « L’odeur du pain me faisait rêver… Je savais au fond de moi que je voulais et serais boulanger. J’aimais regarder les gestes du boulanger, voir le four. En fait, je suis tombé dans le pétrin dès l’âge de 14 ans », raconte Paul.

Conserver les mêmes valeurs
De la petite boulangerie ouverte en 1973 rue de Belfort à Mulhouse avec son épouse Marie-France, au groupe d’aujourd’hui coté en bourse, quelle ascension. Mais cette réussite n’a rien d’un hasard. Paul Poulaillon a, comme vissé au ventre, cette envie de conserver les valeurs qui l’animaient à ses débuts, cet amour du produit bien fait, et surtout, cette impérieuse nécessité de conserver le sens du client et la même exigence. Plus que des mots, c’est une philosophie qui transpire dans l’entreprise familiale ; des valeurs transmises aux enfants (Magalie et Fabien) qui, après de brillantes études dans le commerces et la comptabilité, ont rejoint l’aventure familiale. D’ailleurs, si le boulanger créateur est toujours bien présent dans le groupe, il laisse peu à peu les rênes du navire à la génération suivante, Fabien et Magali, respectivement Directeur Général et DG déléguée, qui impulsera sa culture à l’international. Aujourd’hui, le groupe Poulaillon est spécialisé dans la boulangerie et le snacking et s’appuie sur plus d’une cinquantaine de magasins, de Lille à Lyon, réalisant un chiffre d’affaires de l’ordre de 80 millions d’euros avec près de 800 collaborateurs.

Logique de diversification ou rêve d’enfant
L’inventeur à succès de la célèbre Moricette, avoue avoir deux passions : le pain et l’eau… rien d’étonnant alors de voir le chef d’entreprise s’attaquer à un marché très concurrentiel qu’est celui de la production de l’eau minérale. Un projet mûrement réfléchi. « C’est en Franche-Comté, dans une nature préservée depuis toujours, que j’ai découvert, il y a quelques années, cette source de Velleminfroy ». Cette source d’eau minérale a été découverte en 1828, d’abord exploitée pour ses vertus, puis abandonnée pendant des décennies. « Moi, je connaissais cette source depuis 1975 et elle était déjà à vendre, mais je venais d’acheter ma boulangerie, explique Paul Poulaillon. C’est mon beau-père qui me l’avait faite découvrir (son épouse est originaire d’un village proche de Lure). J’y retournais régulièrement ». Le chef d’entreprise était intrigué par l’ancien site d’exploitation de cette source qui a vécu ses heures de gloire dans les années 1960. Et dont il ne restait pas grand-chose, tout au plus, un abri pour la protéger. A cette période-là, la source de Velleminfroy a été achetée par la société qui assurait l’exploitation des bains de Luxueuil. Paul Poulaillon se porte acquéreur en 2004, lors d’une vente au tribunal de commerce de Lure, suite à un dépôt de bilan. « J’avais vu l’annonce par hasard et je me suis dit que ce site ne pouvait pas être à quelqu’un d’autre. J’aurais mieux fait de me casser une jambe », dit-il en souriant, ajoutant : « J’aime l’eau, je suis un peu sourcier ». Plus de dix ans de travaux ont été nécessaires pour monter le projet, obtenir les agréments auprès de l’ARS (Agence régionale de santé) et décrocher l’autorisation d’exploitation. Ce n’est qu’en 2016, que l’exploitation de la source a débuté. L’usine d’embouteillage a été inaugurée en septembre de la même année. « Une dizaine d’années, ce n’est pas de trop pour mettre en place un tel projet », explique l’entrepreneur qui a dû lever des fonds, les banques étant frileuses.

Une levée de fonds de six millions d’euros
La solution ? Passer par une cotation en bourse. « La bourse, c’était pour investir dans l’entreprise, comme les banques ne voulaient pas suivre. Nous sommes donc allés chercher des sous en entrant sur ce second marché ». L’opération a permis de lever des fonds à hauteur de six millions d’euros. Aujourd’hui, la société Les Eaux de Velleminfroy est une filiale du groupe Poulaillon et l’investissement global se chiffre à plus de 10 millions d’euros pour l’usine à laquelle sont associés un show-room design et une salle de cinéma destinée à présenter à ses visiteurs l’entreprise sur grand écran, « pour expliquer notre eau ». Son eau, Paul Poulaillon la positionne en haut de gamme, sur le segment “premium”. L’eau de Velleminfroy est référencée dans 6 000 grandes surfaces : « Presque toutes les enseignes », précise le chef d’entreprise qui utilise ses propres magasins pour la tester : « C’est un bon laboratoire ». Depuis fin 2017, l’eau de Velleminfroy a élargi sa gamme avec une eau gazéifiée et un conditionnement en bouteilles en verre (et plus seulement en plastique), de façon à séduire la clientèle des hôtels et restaurants haut de gamme. « Notre objectif, c’est de sortir un million de bouteilles par mois. Nous n’en sommes, pour l’heure, qu’à la moitié ». Le groupe vend à l’international, notamment vers l’Asie, et travaille pour entrer dans les pays du Maghreb.

Recherche de nouveaux marchés
Ainsi après la boulange, le groupe alsacien, avec son eau de luxe produite dans les Vosges, affiche clairement ses ambitions à l’international. Mais Paul Poulaillon n’aime pas parler de réussite : « Du jour au lendemain, tout peut s’effondrer ». C’est sans doute pour cela qu’il continue avec sa famille à développer et chercher de nouveaux marchés. Aujourd’hui, l’usine Poulaillon, installée à Wittelsheim, produit 140 000 Moricettes par jour. « Nous avons racheté une usine à Saint-Vit, dans le Doubs, en 2017, et nous allons démarrer une nouvelle chaîne de production. Le site de Wittelsheim est saturé », explique le self-made-man. « Nous devons faire face à une concurrence féroce de la part de chaînes qui fabriquent du pain de manière industrielle. Notre force, c’est de nous diversifier, avec, notamment, la partie traiteur. Nous avons également fait évoluer nos boulangeries avec des concepts points de vente innovants. La dernière en date a été ouverte à Kingersheim, 800 m2 pour un investissement de 2 millions d’euros. Nous évoluons dans les magasins de la grande distribution et dans nos propres magasins. Nous travaillons aussi sur la qualité de nos produits. L’avenir, c’est le bio, les produits locaux, les circuits courts, la culture raisonnée. La malbouffe, c’est terminé ».

Pierre Alain

Poulaillon
Siège social : 8 rue du Luxembourg
ZAE Heiden Est à Wittelsheim
03 89 33 89 89
www.poulaillon.fr