Crise : la souffrance souvent méconnue des petits patrons

Édition : Mulhouse/Sud-Alsace - 29 avril 2013

Au journal Le Périscope nous l’entendons tous les jours : De nombreux chefs d’entreprise de moins de 20 salariés vivent aujourd’hui des situations de trésorerie très difficiles. Loin des scénarios médiatiques des grandes entreprises où des centaines d’emploi sont en jeu, avec syndicats qui se battent et l’Etat qui intervient, ces petites entreprises souffrent en silence. Les petits patrons ne veulent pas affoler leur réseau professionnel, amical et familial, pour ne pas risquer de précipiter la chute. Et tentent de passer l’orage en prenant sur eux.

Parmi les quelque 200 patrons interviewés en Alsace par le Périscope chaque année, certains vont très bien. Mais d’autres sont de plus en plus nombreux à confier qu’ils n’osent même plus aller voir leur banquier, qui ont durci leurs critères d’attribution de facilités de caisse ou de prêts depuis la crise. Et ce, alors même que nombre de leurs clients TPE et PME viraient dans le rouge, faute d’un besoin en fonds de roulement suffisant pour faire tourner l’activité.

Parmi les paroles entendues le plus fréquemment…

« Ce sont les frais fixes et les charges en augmentation qui nous tuent, alors que l’activité diminue »
« En cas de difficultés, on ne peut pas licencier, car le risque d’un prudhomme coûteux nous ferait tomber encore plus bas »
« Ca fait 2 ans que je ne me verse plus de salaire, j’essaie de maintenir l’activité sans licencier, en attendant mieux »
« J’ai mis 20.000 euros sur mes fonds personnels pour maintenir mon entreprise, mais demain, qui dit que je ne devrai pas remettre au pot ? Ca peut devenir un puits sans fond ! »
« Même si l’activité reprend, je n’embaucherai pas, car il n’y a pas de visibilité. Je préfère avoir mon planning plein et refuser un client »
« J’ai tellement de cautions personnelles que si je coule, je n’ai plus qu’à vendre ma maison, et les Assedic, on oublie, je suis gérant majoritaire »

Evidemment, il s’agit d’une petite entreprise de 6 salariés ici, de 12 salariés par là. Mais multipliés par 100, par 1000 TPE ou PME, ça en fait du monde fragilisé. Le risque est réel de voir ces patrons s’écrouler progressivement, dans un silence qu’ils entretiennent parce qu’ils n’ont pas le temps de communiquer sur leurs problèmes ou de manifester, et qu’ils sont souvent pris pour des râleurs. « Inutile d’expliquer les choses, on ne nous croit pas. Alors qu’on est tout sauf des exploiteurs, on prend sur nous« , nous confiait un chef d’entreprise dans le bâtiment.

Des problèmes personnels en plus

Soucis de santé, divorce, querelles entre associés sont souvent évoqués. C’est toute la vie personnelle de ces chefs d’entreprise qui est impactée. Unanimement, les spécialistes de la santé au travail leur conseillent :  « Patrons de PME en difficultés, ne restez pas seul. Allez voir un comptable, un ami, un liquidateur judiciaire (eh oui, ils font aussi de la prévention) ou quelqu’un qui est dans la même situation. Rester dans son coin à supporter le poids de la culpabilité, du stress et de la fatigue est le pire des choses à faire ». En attendant, il faudrait que le message passe ; une meilleure écoute – et pourquoi pas des groupes de parole ?… – des problèmes des chefs de TPe et PME serait un premier pas vers un mieux.

Béatrice Fauroux

Un article complet sur ce phénomène peu médiatisé :
La souffrance au travail des patrons de PME

Demain mardi 30 avril, des patrons de petites entreprises manifestent à AGEN :
« Aux abois, les petits entrepreneurs manifestent »